img Un Pélerin d'Angkor  /  Chapter 7 No.7 | 53.85%
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Chapter 7 No.7

Word Count: 6247    |    Released on: 06/12/2017

8 novemb

mant la mélodie en sourdine. En même temps nous percevons que le bruit des rames a fait trêve, que le sampan ne marche plus. Donc, nous voici au terme de notre voyage par eau, et amarrés sans doute contre la rive pour débarquer ensuite au lever du soleil. La musique persiste, monotone, répétant touj

planches qui nous abritent, nous voyons filtrer des rais de lumière rose. La musique n'a pas cessé, toujo

levant jette partout ses flèches d'or. Des maisonnettes de chaume, sur pilotis, s'alignent le long d'un sentier de sable fin. Des gens demi-nus, sveltes, aux torses cuivrés, circulent parmi la verdure. Ils passent et repassent, un peu pour nous voir, mais les regards sont discrets, souriants et bons. Les fleurs embaument: une odeur de jasmin, de gardénia, de tubéreuse. Dans la pure lumière qui

silence, se tiennent accroupis auprès de leurs tympanons, de leurs fl?tes et de leurs cithares. Ils avaient donné tout ce concert pour d'humbles images b

écents pris avec le Siam ont cédé le territoire

place dans chacune que pour une seule personne, tout contre le dos du cocher. Elles ressemblent à des espèces de man

cocotiers d'où retombent des guirlandes de lianes, fleuries en grappes. Il fait une fra?cheur matinale exquise, sous ces grandes palmes; nous traversons des villages, tranquilles et jolis comme à l'age d'or, où le

ses lettres avec des timbres à l'effigie du roi Chulalongkorn. Et un petit bureau de télégraphe, car on m'apporte une dépêche ainsi con?ue: ?Résident supérieur de Pnom-Penh à gouverneur de Siem-Reap. Vous prie faire prévenir M. Pierre Loti qu'il trouvera quatre él

ocalisait au bord de l'eau; nous pénétrons sous des feuillages qui ressemblent à ceux de nos climats, seulement les arbres qui les portent seraient un peu des géants à c?té des n?tres. Malgré tant d'ombre, la chaleur, à mesure que monte le soleil, devient de minute

le fabuleuse tout à coup se révèle à nos yeux, quand déjà nous nous sent

. Et plus loin, au delà de ces eaux stagnantes, voici des tours ayant forme de tiare, des tours en pierre grise, de prodigieuses tours mortes qui se profilent sur le ciel pali de lumière! Oh! je

du grand passé, trop de temples, trop de palais, trop de ruines. D'ailleurs, tout cela est comme estompé sous l'éblouissement du jo

n'est pas la ville même, mais seulement Angkor-Vat, son principal temple,--auprès duquel nous devons camper pour ce so

bus de lichen, en gardent l'entrée; il est pavé de larges dalles qui penchent et, par places, on le dirait près de crouler dans l'eau verdatre. Au pas de nos b?ufs, nous le traversons, presque en

té l'ombre des épaisses ramures. Une avenue dallée de pierres grises allonge devant nous sa ligne fuyante, s'en va droit jusqu'au sanctuaire, dont la masse gigantesque domine à présent toutes choses; avenue sinistre, passant au milieu d'un petit désert trop mystérieux, et pour mener à des ruines, sous un soleil de mort. Mais, plus nous approchons de ce temple, que nous pensions voué au définitif silence, plus il

quelques hauts palmiers frêles, des maisonnettes sur pilotis, en bois et en nattes, très légères, avec d'élégantes petites fenêtres festonnées, qui se garnissent aussit?t de têtes curieuses, pour nous voir ven

ure et vêtus en deux nuances de jaune. Environ deux cents bonzes du Cambodge et du Siam, préposés à la garde des ruines sacrée

cueil, deux ou trois d'entre eux descendent des maisonnettes perchées, et, le crane luisant sous le soleil, s'avancent à notre rencon

aume que supportent des colonnes en bois rougeatre. Point de muraille; nous n'aurons jour et nuit pour nous enfermer que les draperies transparentes de nos moustiquaires. Pou

ds au-dessus de la terre où rampent les serpents, heureux de sentir nos têtes protégées par un vrai toit, qui donne, sinon de la fra?c

e, on a bati, para?t-il, une maisonnette dans le genre

même des insectes semblent mettre une pédale sourde et se ralentir. A travers la mousseline comme à travers une brume, nous continuons de voir, tout près, tout près, les énormes soubassements du temple, dont nous devinons les tours se perdant là-haut, dans de l'incandescence blanche. La lourdeur et le myst

sse dans le non-être sans retour... Où suis-je bien?... Sur quelle région de la Terre se rouvrent mes yeux?... Il fait chaud, d'une chaleur molle, comme si je m'étais couché au-dessus d'une vasque d'eau bouillante... De l'ombre sur ma tête. Mais, autour de moi, encadrées par ces espèces de franges qui retombent de la toiture en roseaux, des choses proches éclatent dans une lumière trop vive: ce sont des feuillages inondés de soleil et d'interminables alignements

s le plancher à claire-voie, j'entends les b?ufs qui se relèvent, les bouviers qui recomm

telle donc à nouveau les charrettes: au lieu d'entrer dans le temple, j'irai plut?t voir la ville, là-bas sous le suaire des arbres. Elle est loin, cette ville ensevelie. Tandis qu'il y

s retraversons le bocage enclos, ensuite le portique du seuil, le

leur, qui continue de peser aussi lourdement sur nos épaules, se fait tout à coup ombreuse et mouillée; des to

t défendus jadis par des fossés de cent mètres de large, que la terre et les feuilles mortes achèvent de combler, et ils avaient plus de quatre lieues de pourtour. On croirait à présent des rochers, tant ils sont hauts et frustes

déposé de la richesse et préparé l'empire fastueux des Khmers. C'est vraisemblablement à l'époque d'Alexandre le Macédonien qu'un peuple émigré de l'Inde vint s'implanter sur les bords de ce grand fleuve, après avoir subjugué les indigènes craintifs (des hommes à pe

rs de la lumière nouvelle dont s'émerveillait le monde asiatique: le Bouddha, devancier de son frère Jésus, venait d'éclairer l'Inde, et ses envoyés se répandaient vers l'Extrême-Asie, pour y prêcher cette même morale de pitié et d'amour

été écrite, et la forêt envahissante en garde le secret. Le petit Cambodge actuel, conservateur de rites compliqués au sens perdu, est un de

Cependant elle est surmontée de monstrueuses figures de Brahma, que nous cachaient les racines enla?antes, et, de c

aussi serrée, éployant aussi haut ses ramures séculaires. Nous quittons là nos charrettes pour nous avancer à pied par des sentiers à peine tracés, des foulées de bête fauve; comme guide, j'ai

ient au néant; on les avait taillées dans la pierre dure et elles sont restées, chacune à sa même place, après l'écroulement des temples, qui devaient être en bois sculpté; presque toujours de pieux pèlerins leur ont construit des toits en chaume pour les abriter contre les averses d'orage; on leur a même

sé à l'oubli sans laisser même un nom gravé sur une pierre ou dans une mémoire. Ce sont des constructions humaines, ces haut

a mange, à chaque créature ses microbes rongeurs, semble avoir prévu, depuis la nuit des origines, que les hommes tenteraient de se prolonger un peu en construisant des chose

uilles. Il n'était d'abord qu'une petite graine, semée par le vent sur une frise ou au sommet d'une tour. Mais, dès qu'il a pu germer, ses racines, comme des filaments ténus, se sont insinuées entre les pierres pour descendre, descendre, guidées par un inst

viennent de faire silence, et qu'est-ce que c'est que cette obscurité soudaine? Il n'est pas l'heure cependant; il doit y avoir autre chose que l'épaisseur des verdures, là-haut, pour rendre les sentiers si sombres... Ah! un tambourinement général sur les feu

ce dieu,--et c'est infiniment triste, dans le

Mais nous étions presque arrivés au Bayon, le sanctuaire le plus ancien d'Angkor et célèbre par ses tours aux quatre

de ses tours qui leur servent de piédestal. Voici les portes; des racines, comme des vieilles chevelures, les drapent de mille franges; à cette heure déjà tardive, dans l'obscurité qui descend des arbres et du ciel pluvieux, elles sont de profonds trous d'ombre devant lesquels on hésite. A l

charrettes, dit-il, et il faut rentrer avant l'heure du tigre. Soit, allons

surveillé de toutes parts... Les ?tours à quatre visages!? Je les avais oubliées, bien qu'on m'en e?t averti... Ils sont de proportions tellement surhumaines, ces masques sculptés en l'air, qu'il faut un moment pour les comprendre; ils sourient sous leurs grands nez plats et gardent les paupières mi-closes, avec je ne sais quelle féminité caduque; on dirait de

éjà se fait obscure presque soudainement, sans crépuscule. Et le souvenir des trop grandes vieilles dames, qui sourient là-bas derrière

temple d'Angkor-Vat se dressent très haut; elles ne sont plus, comme à midi, palies par un excès de soleil, presque nébuleuses; d'une netteté violente, à présent, elles découpent à l'emporte-pièce, sur fond d'or vert, leurs silhouettes de tiares à plusieurs ran

du temple où les broussailles n'ont guère plus que la taille humaine et où l'avenue dallée s'en va droite et s?re vers un semblant de village. Le chant des bonze

le colossal d'Angkor-Vat. J'avais cependant pris mon parti de n'y commencer mon pèlerinage que demain

e infiniment longue qui a l'intimidante sonorité des cavernes et qui en av

evêtrement étage des constructions centrales... Les dalles y sont feutrées d'on ne sait quoi de mou qui s'écrase sous les pas en répandant une odeur de mus

plient en concert, comme poussés par des milliers de rats, au-dessus de ma tête!... Et puis, là-haut, en guise de pierres de vo?te, ne dirait-on pas un tremblotement d'étoffes noires?... Oh! les adorables créatures inscrites ?à et là aux parois, sans doute pour reposer les yeux de la longue bataille: un lotus à la main, elles se tiennent deux par deux, ou trois par trois, calmes et souriantes sous leurs tiares archa?ques. Et ce sont les Apsaras divines des théogonies hindoues. Avec amour, les artistes d'autrefois ont ciselé et poli leurs gorges de Vierges... Qui dira ce qu'est devenue la cendre des belles sur qui furent copiés ces torses parfai

jasmins qui embaument l'air, et la tranquille psalmodie des bonzes, après ces milliers de cris à nos oreilles, semble une musique exquise. Toute

ilieu de laquelle tr?ne le temple, et que défendent des fossés et des murs, on a une impression de sécurité parfaite, malgré l'ambiance et les grandes forêts. Les tigres ne franchissent point le

arbustes aux senteurs de jasmin et de tubéreuse; sans but, je me mets à cheminer doucement sur ses dalles, m'éloignant du

; elle m'attire, avec son sommeil et son mystère. Sans y entrer, si j'allais seulement jusqu'à l'orée de ses futaies pleines de nuit où tant d'oreilles aux aguets doivent déj

lhouettes humaines surgissent qui veulent me retenir. Tout de suite je les reconnais: deux de mes braves Siamois, conducteurs de b?ufs; que me veulent-ils? Pour nous expliquer, nous ne savons aucun mot

ent mince qui couvrait son torse de cuivre, le roule en peloton et en fait un oreiller pour ma tête; après quoi il faut allumer une de leurs cigarettes qui a je ne sais quelle agréable et anesthésiante odeur d'herbe br?lée. Nous ne pouvons pas causer, bien entendu; mais--sans doute parce que le silence, ici, a quelque chose de trop terrible--un des jeunes bouviers entonne en fausset très doux une petite chanson à dormir qui semble la plainte de quelque Esprit des

mptés en ces climats; autour de nous un petit susurrement, discret pour commencer, s'enfle de minute en minute et se généralise: les moustiques s'assemblent, ayant flairé de loin l'odeur inusitée de la chair. Et puis déjà la toile dont je suis vêtu s'amollit, s'imbibe d'humidité:

ontre les bêtes qui volent. Autour de moi s'installent les bouviers jaunes de ma suite; comme ils n'ont pas de moustiquaire, il décident de se relayer pour entretenir jusqu'au matin, sous le plancher à

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